« Je sens que vous allez ternir ma renommée !
— Est-ce une forme d'aveu ?
— Non, mais vous abordez le sujet de telle façon que je ne sais ce qui me retient de faire usage du tranchant de mon épée.
— C'est que du mien temps, ces pratiques ne sont plus. Mais, pour ne point vous offusquer, je tente une autre question : quels rapports entreteniez-vous avec votre royaume ?
— J'y suis né, dans une cité¹ renommée où sont formés les esprits les plus vifs.
— Raison de plus pour s'étonner que vous n'en pratiquiez pas la langue ?
— Dès mon plus jeune âge, ma mère² m'emmena en son immense duché dont elle souhaitait me faire hériter, la couronne revenant à l'aîné.
— Quel était votre rang ?
— J'étais le troisième enfant mâle, donc nullement destiné à être roi.
— Ce fut pourtant le cas.
— L'aîné³ mourut jeune. Le suivant⁴ partagea un temps le pouvoir avec mon père⁵ avant de périr de dysenterie. Je devins héritier légitime.
— N'étiez-vous pas en guerre contre lui ?
— Si, dans un contexte familial tourmenté. Mon père avait de nombreux fiefs hors du royaume dont le duché⁶ que ma mère me réservait. Il fallait donc rendre hommage à un autre suzerain⁷ dont elle fut l'épouse en primes noces et dont elle divorça. J'avais également un frère⁸ plus jeune que son rang privait de terres mais point d'envies de conquête. Il résulta de tout ceci force disputes entre frères et même avec notre père, évidemment encouragées par l'ancien mari de ma mère, lequel, en souverain avisé, faisait sienne la devise « diviser pour mieux régner ».
— N'y avait-il pas de temps à autres quelque mariage diplomatique pour ramener la sérénité ?
— Ne m'en parlez pas ! Je fus fiancé à la fille⁹ du dit suzerain et rival de mon père. La jeune princesse n'avait pas dix ans quand elle fut reçue à la cour. Nous devions attendre quelques années pour que soit célébré le mariage et en espérer une descendance. C'était sans compter sur mon père qui abusa d'elle et rendit l'union impossible.
— Est-ce pour cela que votre conduite à l'égard des femmes ne fut guère plus exemplaire ? On dit de vous que vous fûtes cruel et sanguinaire.
— Il n'est de puissant qui n'use de la force. Aucun titre, si modeste soit-il, ne résiste aux envieux s'il n'est point défendu avec vigueur. J'ai appris cela dans ma famille.
— Parlons de votre règne. Pourquoi ne pas avoir siégé sur le trône ?
— J'avais suffisamment à faire pour maintenir l'ordre sur les terres où je vivais depuis mon enfance.
Je n'oublie pas non plus la croisade où je dus partir ainsi que le fils¹⁰ héritier du rival de mon père. Je le connaissais, le combattais souvent et avais de l'estime pour lui.
Mais, portant désormais respectivement couronne de deux royaumes puissants et souvent en discorde, je me méfiais. Partir ensemble en Terre Sainte garantissait qu'il n'en profitât pour me dépouiller de mes fiefs en mon absence.
— Ce fut pourtant le cas.
— Car j'eus le malheur d'être capturé et emprisonné sur mon chemin de retour, prolongeant ainsi de deux années la vacuité du trône.
— Dont votre jeune frère s'empara.
— Et dont je le délogeai en peu de temps¹¹.
— Ainsi rétabli, pourquoi ne pas être resté ?
— J'avais encore et toujours à défendre mes fiefs hors royaume, notamment des assauts continuels de mon suzerain¹².
— Au point d'en mourir.
— Maudit carreau qui abrégea une vie entièrement vouée aux combats !
— Toutefois menés avec ardeur...
— Surtout avec cœur...
— Un Cœur de Lion. Adieu et merci Sire Richard !¹³ »
Chemise, gambison, cotte de maille, tabard ou cape...
Calot, cervelière, heaume ou casque...
Épée à une main ou à deux mains...
Bouclier ou dague...
Finalement, est-ce l’équipement qui fait le chevalier ou est-ce le chevalier qui donne vie à son équipement ?
Même si au fil du temps les métaux ont évolué, même si les formes se sont modifiées, le symbole n'a jamais changé : préserver son combattant, combattre l'ennemi, appartenir à un clan ou une communauté mais surtout afficher haut et fort son identité !
Inventez-vous ou ré-inventez-vous si besoin, mais n'oubliez pas qui vous êtes.