Évoquer la quête du Graal et Merlin entraîne tout un chacun dans l'univers des chevaliers de la table ronde. Cette source inépuisable de littérature merveilleuse, quasi-mythologique, mêle adroitement Histoire aux contes et s'offre ainsi vertu d'immortalité.
Voilà pourquoi, depuis leur apparition au milieu du douzième siècle sous la plume du poète Wace, les compagnons du roi Arthur traversent aisément les siècles, aidés en cela par les moyens de diffusion de tous temps et les plus divers.
Concernant le Moyen Âge, en complément de la tradition orale, par essence volatile et aléatoire, le support idéal, cependant réservé aux puissants qui ont les moyens, est le manuscrit. Moyens d'autant plus sollicités quand opèrent les enlumineurs dont celui qui illustre le présent manuscrit référencé BL Add MS 10292 (British Library - Additional - Manuscript n° 10292).
Qui s'intéresse aux chevaliers ne peut ignorer les conflits et guerres auxquels ils prennent parts et que l'enlumineur s'applique à décrire minutieusement, révélant ainsi un contexte particulièrement cruel qui n'épargne, ni hommes, ni montures.
Dans cette enluminure (folio 15), l'œil est d'abord attiré par un premier plan où un soldat à pied tranche net de sa hache, le bras portant écu d'un chevalier. Ils portent tous deux un heaume qui dissimule et protège leur visage, de même que celui des deux autres combattants qui, derrière eux, croisent le fer de leurs épées et se repoussent en même temps de leurs boucliers. Le contexte violent et dramatique est renforcé par les regards sidérés que leur adressent les autres belligérants, cependant pris également dans la folie furieuse d'une bataille où les chances de survie sont moindres si l'on n'est pas le premier à attaquer, tel cet homme qui, depuis la gauche, aide son compagnon en chargeant de sa lance, le bouclier ennemi.
L'enlumineur ne manque pas faire couler le sang et enfin sublimer l'horreur de la scène en la plaçant sur un tapis morbide de cadavres et de navrés tout aussi ensanglantés.
Cette position latérale permet également de reproduire des scènes que l'on pourrait qualifier de comique de situation si la victime de la chute n'en mourait pas, puisque selon le commentaire qui précède l'image, elle se brise le cou et se noie.
À noter la parfaite maîtrise de l'enlumineur pour illustrer la transparence des eaux.
Le dessin devient plus aléatoire voire hilarant quand l'enlumineur se risque à tenter une vue de face ou de dos, démontrant qu'il n'a pas forcément assimilé sous un tel angle de vue, la morphologie de l'animal, lequel, selon son regard semble peu fier, voire déprimé.
Chemise, gambison, cotte de maille, tabard ou cape...
Calot, cervelière, heaume ou casque...
Épée à une main ou à deux mains...
Bouclier ou dague...
Finalement, est-ce l’équipement qui fait le chevalier ou est-ce le chevalier qui donne vie à son équipement ?
Même si au fil du temps les métaux ont évolué, même si les formes se sont modifiées, le symbole n'a jamais changé : préserver son combattant, combattre l'ennemi, appartenir à un clan ou une communauté mais surtout afficher haut et fort son identité !
Inventez-vous ou ré-inventez-vous si besoin, mais n'oubliez pas qui vous êtes.