« Monsieur ?
- Chopinel, Jean Chopinel mais on m'appelle plus communément Jean, Jean de Meung.
- Votre ville de naissance ?
- Oui, Meung au bord de la Loire. Mais je vis à Paris où j'ai suivi mes études.
- Et accompli une prouesse en prolongeant de presque vingt mille vers l'œuvre déjà conséquente de Guillaume de Lorris, Le roman de la rose.
- C'est qu'il y avait encore à dire.
- Et de quoi critiquer votre siècle sans aucun ménagement, ne serait-ce qu'en usant de la métaphore d'une fleur aux épines acérées. Mais, après de telles satires, comment en êtes-vous arrivé à traiter un sujet si différent, voire philosophiquement opposé. Je veux parler de votre « Traité sur l'art de chevalerie ».
- Je n'ai fait que traduire en langue vulgaire le « Epitoma institutorum rei militaris » du poète Publius Flavius Vegétius afin de le rendre accessible à tout apprenti chevalier.
- N'est-ce-pas un ouvrage obsolète puisqu'il date du quatrième siècle ?
- Que non ! Les Romains restent les plus grands stratèges que le monde a connus. Il est important que leur art de la guerre ne soit pas oublié et que nos chevaliers s'en inspirent.
- Admettons pour la stratégie, mais pour les armes ?
- Elles évoluent. Mais un bouclier ou un écu reste ce qu'il est ; un glaive s'appelle désormais épée ou bran ; un casque, un heaume ; et tout ce qui sert aujourd'hui à attaquer ou à se protéger n'est qu'évolution et perfectionnement de ce que les Romains utilisaient déjà sans qu'il y ait de grandes différences de maniement. Comme son nom l'indique, la lance reste une arme de jet et parfois un support d'accrochage pour porter haut les pennons, oriflammes et bannières, un poignard sert toujours à trancher dans le vif de la chair lors de corps à corps et provoquer l'achèvement de l'ennemi.
- De là, à le rebaptiser miséricorde.
- Que voulez-vous, le champ de bataille n'est pas un lieu de poésie, quand bien même m'arrive-t-il d'avoir la plume cruelle. Il est donc indispensable aux chevaliers d'être instruits et entraînés. C'est une simple question de survie. Cet opus reste d'une grande pertinence et j'espère que ma contribution est et sera utile.
Le secons livres contient la
coustume del anciene
chevalerie et enseigne
coment on doit ordonner l'ost
de gent à pié.
Li secons livres si devise
Ou quel contient, per grant maistrise
La costume et la bone vie
De l'anciainne chevalerie
Et comant l'on doit sant doner
As janz a pie, et aux ordoner.
- Connaissez-vous Jean Priorat (fin XIIIᵉ siècle) ?
- N'est-ce pas lui qui a repris mon travail en le versifiant ? Plus de 11 000 vers ; quelle folie cette Abrejance de l'ordre de chevalerie.
- C'est lui en effet. Mais je m'étonne que vous n'en ayez pas eu l'idée directement.
- La question ne se pose plus puisqu'il l'a fait. Mais j'en déduis que d'autres gens de plume et copistes ont fait de même.
- Plus que vous le croireriez. Tel Jean de Vignay (≈ 1280 - ≈ 1340) qui semble avoir repris le texte originel de Vegèce pour écrire De la chose de chevalerie.
- Puisse-t-il enrichir le sujet !
- Jaloux ?
- À quoi cela servirait-il ? Peut-être qu'un jour, quoique que j'en serais surpris, le sujet intéressera aussi des femmes.
- Vous ne croyez pas si bien dire. C'est une poétesse remarquable qui relèvera le défi avec son De la chose de chevalerie en fais d'armes.
- J'aimerais bien la rencontrer.
- C'est qu'elle vivra plus tard de 1364 à 1430.
- Dites-moi au moins comment elle s'appelle.
- Christine de Pisan. Mais je doute que vous l'auriez appréciée.
- Ne suis-je point fréquentable ?
- C'est qu'elle n'a pas été tendre dans ses écrits et débats à l'endroit de votre Roman de la rose.
- Il a toujours des femmes pour s'affirmer en dehors de la condition où les hommes, qui ont quelque pouvoir et puissance, s'entendent à les contenir. Rappelez-vous Aliénor d'Aquitaine. Peut-être qu'en son temps, me serais-je exprimé autrement. Sans doute aussi aurais-je applaudi à la sienne provocation quant à écrire sur l'art de la guerre.
- Un sujet sur lequel vous retrouver !
- Je puis donc me reposer à jamais et me satisfaire des empreintes que j'ai laissées à la postérité.
- Assurément ! À vous revoir. »
Qui n'a pas rêvé d'être un jour ce chevalier, pourfendeur de dragons, héros des champs de batailles, combattant aguerrit, stratège et visionnaire, craint et aimé. Période de renouveau et de découvertes, précurseur des révolutions commerciales et intellectuelles, le Moyen Age est un formidable terrain de jeux pour qui sait s'ouvrir aux passions, aux grandes épopées, à l'engagement et à l'Histoire. Du roi Arthur aux Templiers, l'épée a toujours été le signe distinctif du Chevalier. Transmise de père en fils, offerte par le seigneur, dédiée à une cause, son symbole a traversé le temps pour arriver à vous aujourd'hui. Et parce que le Moyen Age ne se limite pas aux combats, laissez-vous embarquer dans la découverte d'ouvrages à feuilleter et de châteaux et de lieux à visiter.
#Terressens est là pour vous accompagner sur ce chemin de découvertes, de passions et de Sens. Entrez dans notre Monde et rêvez avec nous.