Je veux m'en aller au glorieux tournoi, outre la mer, où est la gent sans foi qui a tant fait souffrir Jésus-Christ.
J'aurais pu m'étonner d'être choisi à la place de l'empereur Frédéric II qui, en 1229, à la fin de la précédente croisade, avait obtenu du sultan Al-Mâlik, une trêve de dix ans concernant le royaume Franc de Jérusalem.
Mais l'échéance étant proche, bien des choses avaient changé. Le sultan, lequel aurait probablement renouvelé le traité, était décédé (1238), occasionnant une guerre de succession entre ses fils et, par conséquent, une forte instabilité politique pouvant remettre en cause la paix des Hiérosolomitains.
Autre faiblesse émanant de notre camp, il y avait tant de querelles de pouvoirs et de désaccords entre puissants qu'en dix ans, il n'avait même pas été possible de s'accorder pour reconstruire les murailles de Jérusalem.
Autant de fragilités ne pouvaient qu'inquiéter le pape, d'où sa décision de convoquer une nouvelle croisade, idée qui ne séduisait pas Frédéric II.
Grégoire IX ne tint pas compte de son avis. Il appela à la croisade, écartant de fait Frédéric II de tout commandement. Cette décision autoritaire n'était qu'une illustration supplémentaire des rapports exécrables qu'entretenaient le pape et l'empereur, le premier ayant même excommunié le second ! (mars 1239)
Faute du soutien de l'empire, le pape choisit les barons français pour mener la sainte entreprise et ce fut grand honneur pour moi d'en prendre la tête.
Il ne me restait plus qu'à exhorter mes hommes dont mes fidèles compagnons de la cour de Champagne.
Seigneurs, sachez-le, celui qui ne s'en ira pas maintenant en cette terre où Dieu fut mort et vivant, et qui ne prendra pas la croix d'outre-mer, avec paine ira en paradis.
Aucun baron n'hésita. En août 1239, nos navires quittèrent Marseille et Aigues-Mortes.
Et malgré quelque peine quant à quitter nos êtres chers, nous comptions sur leur amour pour être encore plus forts.
Dieu ! Pourquoi fut la terre d'outremer qui, tant d'amants aura séparés.
Dame [...] salut vous demande d'outre la mer salée.
Ainsi parvînmes-nous en terre sainte, sûr de notre invinciblilité.
Malheureusement, comme l'avait pensé Frédéric II, notre arrivée et mon refus de conclure la moindre alliance avec l'ennemi, firent qu'un émir marcha sans tarder sur Jérusalem et s'en en empara, affaiblissant davantage, le peu de défenses que la ville possédait encore.
J'eus aussi à déplorer de nombreuses mésententes au sein de mes troupes et de celles déjà en place en terre sainte. Il y eut enfin, ces jalousies qui conduisirent à la débâcle de Gaza, a contrario de mes ordres de ne pas y aller.
Le résultat fut édifiant : des morts par centaines et six cents prisonniers qui ne furent libérés à la fin de la croisade que contre rançon.
Parmi eux, un de mes fidèles vassaux en Champagne, Philippe de Nanteuil dont je comprends encore l'amertume.
Si l'Hôpital et le Temple et les frères chevaliers eussent donné exemple aux gens de chevaucher, notre grande chevalerie ne serait pas en prison.
Nous retournâmes enfin dans nos fiefs en 1241, à l'issue d'une croisade peu glorieuse.
Hervé Berteaux
La Gazette
N.D.L.R. : les textes en gras correspondent aux manuscrits illustrant l'article
Chemise, gambison, cotte de maille, haubert, tabard ou cape...
Calot, cervelière, heaume ou casque...
Épée à une main ou à deux mains...
Bouclier ou dague...
Finalement, est-ce l’équipement qui fait le chevalier ou est-ce le chevalier qui donne vie à son équipement ?
Même si au fil du temps les métaux ont évolué, même si les formes se sont modifiées, le symbole n'a jamais changé : préserver son combattant, combattre l'ennemi, appartenir à un clan ou une communauté mais surtout afficher haut et fort son identité !
Inventez-vous ou ré-inventez-vous si besoin, mais n'oubliez pas qui vous êtes.